Tarot de Marseille avec Paul-Loup
25/03/2014
Paul-Loup nous invite à découvrir deux nouvelles lames du Tarot de Marseille : L'Hermite et la Roue de Fortune. Il met l'accent sur l'origine iconographique des symboles ainsi que sur les caractéristiques numérologiques des lames. En comprenant la provenance des icônes des lames et ce que les dessins représentent, on peut ainsi en saisir le sens profond.
L'Hermite
Avez-vous remarqué que le nom de l’Hermite est orthographié avec un H dans la cartouche ? Oui c’est bien une faute d’orthographe, mais volontaire, le « H » fait référence à Hermès « Trismégiste », qui signifie littéralement « triple sage » car il pratique les 3 philosophies : naturelle, morale et métaphysique. Hermès Trimégiste est le fondateur de l’alchimie qui est rattachée à la philosophie naturelle. Regardez bien le front du personnage de la lame, il est marqué par 3 rides qui sillonnent son front. Le personnage de cette lame est un sage et un alchimiste. L’Hermite est « 3 fois sage ».
Personnage hivernal, saturnien, il évoque la froideur de la sagesse, son épais manteau est traversé par des hachures (dans certains tarots traditionnels) représentant sa longue expérience.
Remarquez également la similitude de ce personnage avec Moïse, par la barbe bien sûr mais aussi par le bâton qui est le symbole de l’autorité de Dieu transmis de prophète en prophète. Il a permis à Moïse de faire des prodiges comme ouvrir les eaux de la mer rouge, faire tomber la grèle ou jaillir l'eau d'un rocher, ce bâton ondule comme le serpent devant le pharaon et il a aussi servi d’outils : il a labouré la terre sous les pieds de l’Hermite, signifiant ainsi tout le travail spirituel accompli par ce dernier.
Sa lampe est un symbole évident de connaissance en occident, mais fait aussi référence à la quête de la pierre philosophale dans la tradition alchimiste, ou à la quête du Graal des légendes Arthuriennes, impossible de ne pas faire l’analogie entre le calice et la lampe remplie de liquide rouge. L’Hermite éclaire le passé pour l’analyser, il a besoin de cet examen avant de passer en Roue de Fortune.
Le chiffre 9 est à la fois un chiffre impair mais aussi divisible, il indique une ambivalence et aussi une position instable, car le personnage avance à reculons. Cette lame s’apprête à clore la première série du Tarots : de 0 à 10, soit du Mat (qui ne porte pas le numéro 0 mais qui par défaut précède le Bateleur, donnons lui donc le chiffre 0) jusqu’en 10 Roue de Fortune. Dans la cartouche 9 s’écrit VIIII au lieu de IX, tout simplement parce que la numérologie du Tarot est progressive et qu’elle ne va jamais en arrière.
L’Hermite annonce donc une fin en roue de Fortune. Il exprime la sagesse, l’introspection, l’étude, la retraite spirituelle, le doute, la prudence mais aussi le passage difficile, la crise, la pauvreté matérielle opposée à la richesse spirituelle.
Le personnage peut représenter une connaissance du consultant, une personne affaiblie : parent âgé, un alcoolique, un sans domicile fixe ou au contraire une personne forte en la personne d’un guide ou d’un thérapeuthe sur laquelle le consultant peut s’appuyer : un professeur, un grand-père bienveillant, un médecin (particulièrement un psychiatre), ou n’importe quelle personne remplie de spiritualité, de connaissance, de sagesse. Le personnage peut aussi représenter le consultant lui-même, dans une période de passage difficile, de crise. La lame peut entre autre signifier que le consultant doit découvrir un secret, entreprendre l’examen de son passé, ou au contraire le dépasser pour terminer le cycle en Roue de Fortune.
La Roue de Fortune
La déesse Italique Fortuna, est la divinité du hasard et de chance, du sort et par extension du destin. C’est à Rome que l’on lui vouait un culte et qu’on la célébrait tous les 24 Juin. Cette déesse fut aussi symbolisée par la figure féminine sur la proue des navires, par les symboles du gouvernail, de la corne d’abondance, de la sphère et de la roue.
Ce symbole de la roue survécut jusqu'en occident et au Moyen-âge, et ce sont les goliards, des moines en rupture cléricale qui avaient conservés des ordres mineurs, qui ont popularisés au XII et XIIIème siècle l’iconographie de la Roue de Fortune. Ces moines libertins étaient aussi troubadours et chantaient dans les cours royales et les tavernes, les plaisirs du lit, de la bonne chère et de la bouteille. Ils invoquaient et faisaient l’éloge entre autre du destin par une chanson intitulée "Ô Fortuna".
On a retrouvé en 1803, dans l’Abbaye de Beuren en Allemagne un manuscrit regroupant toutes les chansons des goliards avec une superbe représentation de la Roue de Fortune «Rota de Fortuna» ainsi que les paroles de la chanson «O Fortuna». Le recueil intitulé Carmina Burana (en latin : les Chansons de Beuren) inspirera l’œuvre musicale éponyme du compositeur Allemand Carl Off Carmina Burana.
Ces moines rebelles fustigaient dans les textes de leurs chansons, les erreurs de l’état, de l’église, de l’éducation, la dégradation des mœurs (eux qui étaient débauchés) et la puissance de l’or (symbole de la finance à cette époque).
Les Roue de Fortune n’ont pas été que des symboles mais ont bel et bien existé en tant qu’objets appelées aussi Roue à carillons, elles se sont popularisée dès le XII ème siècle dans l’inconscient collectif du Moyen-âge. Fabriquées en bois, bronze et fonte, elles étaient pendues sur les murs des églises Bretonnes, région où il en reste le plus à l’heure actuelle. Elles portaient 12 clochettes aux sons différents et rythmnaient la vie paroissiale : baptêmes, mariages, moments où le prêtre élève l’hostie, pardons Catholiques Bretons. Elles servaient également à demander à un Saint sa protection, une guérison, ou des faveurs, que le Saint accordait ou non, une façon de tester le hasard heureux ou malheureux du demandeur qui actionnait la roue. Chaque église avait son propre Saint avec la Roue de Fortune dédiée à ce seul Saint.
La lame 10, Roue de Fortune marque la fin de la première série décimale du Tarot, le Mat portant exceptionnellement le chiffre 0, cette série commence de 0, le Mat et finit en 10, Roue de Fortune. L’autre série décimale, la dernière, commencera donc avec le 11, La Force et finira en 21, Le Monde.
Sur la lame Roue de Fortune nous pouvons voir trois animaux, des chimères. L’une d’entre elles est au sommet de la roue, il s’agit d’un sphinx : il est le symbole du pouvoir temporel et absolutiste, le monarque. Est agrippé à gauche, un singe qui descend : il s’agit probablement du génie du mal Typhon qui représente le déclin, la chute. Quand à l’animal de droite, probablement un chien celui-ci représenterait Hermanubis, le génie du bien, celui qui est à l'origine de l’ascension vers la gloire du Sphinx. La Fortune est mue par deux principes aussi antagonistes et complémentaires que le Ying et le Yang de la tradition Taoïste : le mauvais génie et le bon génie. Celui qui est au sommet, le sphinx dépend des caprices de la roue. Un jour il est au sommet après l’ascension puis il est poussé en bas vers le déclin. C’est une leçon de vie : même les monarques, les puissants ne sont rien face aux caprices de la fortune. Elle peut tout vous donner mais tout vous reprendre. La roue repose sur de l’eau : le destin est fragile.
Cette lame signifie la chance et la malchance, un arrêt qui peut être débloqué par une aide extérieure car la manivelle de la roue attend qu’une main l’actionne. Elle est l’impermanence, une solution à une énigme, un renouveau, l’éternel retour, le Karma, la fin d’un cycle et le commencement d’un autre, un gain au jeu, une rentrée providentielle d’argent.
Cet article a été écrit avec la collaboration du voyant Paul-Loup.
Retrouvez aussi les lames I et II : Le Bateleur et la Papesse.
Les lames III et IV : L'Impératrice et l'Empereur
Les lames V et VI : Le Pape et l'Amoureux.
Les lames VII et VIII : Le Chariot et la Justice
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De : Madeleine d'Avigora